Depuis plusieurs années, j’avais pris l’habitude de sauvegarder le contenu intéressant rencontré au détour d’internet dans mon instance Wallabag, et lorsque seul le lien http était pertinent, dans mon instance Shaarli. Depuis août 2015, ce sont donc plus de 700 liens, dont 263 portant le tag « musique », qui peuplent mon Shaarli, et du côté de Wallabag, 1214 articles dont 900 lus, pour un total de 121 tags. J’ai toujours été très satisfait de ces deux outils, qui m’ont souvent permis de retrouver des articles ou des sites que je souhaitais partager à la famille, aux amis, aux collègues, plusieurs mois ou années après les avoir consultés, et dans l’espoir que cela puisse leur servir.
D’abord commencée avec l’organisation des favoris par dossier dans le navigateur, la gestion de mes connaissances a bien évolué au fil des années, des découvertes et des réflexions. Unicoda en est l’un des composants, et pas des moindres. Une bonne partie de mes idées vont et viennent dans mon esprit, reviennent quand un sujet réapparaît, ou qu’une association s’effectue au détour d’une conversation ou d’une lecture. Une autre partie est stockée dans les deux outils mentionnés ci-dessus.
L’une des difficultés récurrentes lorsque l’on essaye de retrouver une information précise, que l’on sait avoir lue, consultée, regardée ou écoutée, c’est de savoir où nous l’avons rangée. Wallabag est plutôt utile de ce point de vue, puisqu’en gardant une copie du contenu, il est possible d’y rechercher la présence de certains mots-clés. C’est en revanche assez frustrant quand vous savez que l’article est sauvegardé, mais que les mots-clés que vous utilisez ne correspondent pas à ceux utilisés dans le contenu, bien que portant le même sens. Parmi les autres difficultés, on notera également la multiplication des dépôts de connaissance, qu’il faut alors parcourir l’un après l’autre pour retrouver une information. Enfin, dernier problème identifié: parfois, la source de l’information n’est plus disponible (c’est moins un problème avec Wallabag, qui conserve une copie du contenu, sauf si vous décidez d’exporter puis de réimporter votre liste de liens sauvegardés dans une nouvelle instance).
Ce que cela m’a fait réaliser en début d’année, c’est que je suis devenu un collectionneur d’informations, pire, un collectionneur d’article, à l’image du collectionneur d’article de journaux d’antan, extrayant les textes à grand coup de ciseaux pour les stockés dans un cahier rarement consulté. J’ai donc parcouru mes deux instances et j’ai commencé à faire du tri. Ce premier passage m’a permis de distinguer deux catégories d’articles:
- Les premiers sont les articles contenant une ou plusieurs idées énoncées plus ou moins clairement, avec plus ou moins d’exemples, de références, de récits venant appuyer les idées.
- Les deuxièmes sont les articles se limitant à exposer des faits. Cette description étant un peu trop générale, il me faut préciser. Ce sont des articles que l’on pourrait parfois qualifier de « à sensations », contenant une unique information, parfois énoncé dans le titre et dont l’information semble pertinente, incontournable au moment de la lecture. En revanche, à la relecture plusieurs mois après, l’information n’a plus grand intérêt; elle ne dégage une impression d’intérêt que dans la temporalité entourant sa publication.
Alors, quel problème à faire le collectionneur ?
Lorsqu’on se met à collectionner les articles, on ne s’attache pas assez aux idées qu’ils peuvent contenir, en ce sens que, l’idée ou sa référence sera éventuellement présente dans notre mémoire. Si toutefois, on souhaite la retrouver précisément, il sera nécessaire de parcourir une nouvelle fois le contenu, qu’il soit au format texte, audio ou vidéo.
Je suis donc arrivé à la conclusion, qu’il est préférable d’extraire l’idée du contenu. Conserver ce qu’aura retenu notre esprit, plutôt que la source complète ou la retranscription de passages entiers. Faire l’effort d’extraire l’idée permet d’y revenir plus facilement: sans avoir à relire le contenu source. Néanmoins, je garde (encore ?) une référence à la source, à la suite de l’idée extraite.
Pour y arriver, je me base sur la méthode du Zettelkasten de Luhmann. Le principe: chaque idée, chaque concept, fait l’objet d’une note. En cas de concept proche, et plus généralement, pour chaque association qu’effectue notre esprit, on crée une référence vers la note qui découle de l’idée, bref, on crée un lien entre les idées. Chacune de mes notes contient les métadonnées suivantes: un identifiant unique, une date de création, un titre et une liste de tags. Dans l’idéal, le titre et les tags doivent être le plus précis possible afin de retrouver facilement un contenu et d’avoir un juste aperçu du contenu de la note. J’expérimente encore sur ce point, qui s’améliorera certainement avec la pratique. Avant d’insérer une nouvelle idée, on cherche ce qui existe déjà à ce sujet et en fonction, on crée une nouvelle note ou on fait évoluer le contenu d’une note existante. Si une note devient trop volumineuse, il convient de séparer les idées en plusieurs notes et d’établir des liens entre elles.
Ce que j’apprécie dans cette méthode, c’est la simplicité de mise en œuvre: un fichier texte par note et c’est parti. Je dispose d’une maîtrise totale sur le format du fichier. L’information est centralisée dans un répertoire et le fait d’utiliser du « plain text » permet de nombreux usages avec des outils directement en lignes de commande. Je versionne le tout dans un dépôt git pour bénéficier simplement de fonction de sauvegarde, ainsi que d’un historique de l’évolution des idées stockées. J’ai écrit un petit programme pour initialiser simplement une note avec un titre, et bien qu’ayant prévu d’écrire un script de recherche, j’utilise pour l’instant Zettlr pour la rédaction des notes.
Ma plus grande difficulté réside pour le moment du côté de la création de nouvelles notes, de l’alimentation du Zettelkasten. Si je suis déjà bien moins soumis au besoin de sauvegarder une copie de tout article lu, il me reste à acquérir le réflexe de créer une nouvelle note lorsque je rencontre une nouvelle idée. Je pense qu’il faudrait peut-être que je me force à écrire une note par jour, afin que cela devienne progressivement une habitude et que les nouvelles idées ne restent pas simplement en mémoire.
Il me reste également à définir un moyen de mettre à l’écrit une réflexion que qui me viendrais à l’esprit lorsque le dépôt de connaissance n’est pas à porter de la main. Carnet papier, application de notes sur téléphone, les solutions sont nombreuses et l’expérimentation sera de mise pour déterminer ce qui me convient.
Si la gestion de mes connaissances va encore évoluer dans les prochaines années, la découverte du Zettelkasten m’aura fait prendre conscience de certains des défauts de ma façon de faire jusqu’à présent. Je suis davantage critique sur la qualité informationnelle des contenus que je consomme et j’extrais désormais plus facilement l’idée, plutôt que de stocker l’ensemble du contenu. Il ne reste plus qu’à continuer la pratique de la méthode, afin de me l’approprier, de la faire évoluer en fonction de mes besoins et, éventuellement, de découvrir ses limites…
Pour les surmonter, bien entendu.