-« Est-ce que nous sommes comme des enfants trop gâtés qui s’ennuient en pataugent dans leur baignoire avec un canard en plastique à deux sous, en ronchonnant : « J’sais pas quoi faire ! » ? »
-« Ok. Oui ! On s’emmerde ! On s’emmerde tous !
Mais le processus qui conduit à cette morosité que l’on observe désormais alimente peut-être une entreprise inconsciente de lavage de cerveau mise en place par un totalitarisme basé sur le fric ! C’est plus dangereux qu’on ne croit ! Ce n’est pas qu’une question de survie individuelle, Wally, c’est que, si on s’emmerde, on dort, et l’homme qui dort ne sait plus dire non.
Ces gens, j’en vois partout !
Il y a quelques jours, j’ai vu cet homme que j’admire beaucoup, le physicien suédois Gustav Bjornstrand, et il m’a dit… qu’il ne regardait plus la télévision, ne lisait plus les journaux ni aucun magazine. Il a arrêté complètement ! Parce qu’il est persuadé qu’on vit dans un cauchemar à la George Orwell et que tout ce qu’on entend contribue à nous changer en robots.
Et à Findhorn, j’ai rencontré ce formidable expert en arbres, qui a voué sa vie à la protection des arbres. Revenant de Washington pour y défendre Redwood ! À 84 ans, il voyage avec un sac à dos, il ne sait jamais où il sera demain !
À Findhorn il m’a demandé :
-« D’où êtes-vous ? »…
-« New York. »
Il a dit : -« Ah, c’est intéressant, New York ! Vous connaissez des New-Yorkais qui rêvent de partir et ne le font pas ? »
J’ai dit : -« Oh oui ! »
-« Pourquoi, d’après vous ? »
J’ai répondu des banalités et il a dit :
-« Ce n’est pas ça du tout. New York est le nouveau prototype du camp de concentration, bâti et gardé par les détenus eux-mêmes. Et ils sont fiers d’avoir bâti leur propre prison ! Ils vivent en état de schizophrénie, à la fois gardiens et détenus. Il en résulte qu’ils ne voient pas qu’ils sont lobotomisés, et donc incapables de quitter leur prison, ni même de voir que c’est une prison. »
Il a fouillé dans sa poche et a pris une graine en disant :
-« C’est un pin. »
Il me l’a donnée en disant :
-« Filez, avant qu’il ne soit trop tard ! »
En fait, tu vois… Depuis 2 ou 3 ans, Chiquita et moi avons ce sentiment inconfortable que nous devrions partir ! On se sent comme des Juifs Allemands en 36. Il faut fuir ! Mais la question c’est : où aller ? Car il semble évident que le monde entier va dans la même direction !
Je pense qu’il est très possible que les années 60 aient vu l’ultime manifestation de l’homme avant l’extinction finale.
Et que c’est le début d’une ère nouvelle. Et que désormais, nous ne serons plus que des robots marchant en tous sens, ne ressentant rien, ne pensant à rien… Il ne restera presque personne pour rappeler qu’il existait jadis une espèce appelée « race humaine » douée de sentiments et de raison… L’histoire et la mémoire sont d’ores et déjà effacées, et bientôt, personne ne se souviendra que la vie a existé sur cette planète.
Bon… Bien sûr Bjornstrand pense qu’il n’y a vraiment aucun espoir et que nous allons revenir à une période sauvage, sans lois, et terrifiante ! À Findhorn, les gens pensent un peu différemment. Ils pensent qu’il restera des poches de lumière en différents endroits du monde, un peu comme des planètes invisibles sur cette planète… Et à mesure que le monde refroidira, nous pourrons faire des voyages invisibles sur ces planètes, afin de « faire le plein » de ce dont notre planète à besoin et revenir. Ils pressentent qu’il y aura des centres où les gens pourront bâtir un nouvel avenir pour le monde.
Et quand j’en parlais à Gustav Bjornstrand, il me disait que ces centres étaient en train de naître partout… Et ce qu’ils essaient de faire, comme Findhorn le fait, et comme j’essaie moi-même… On ne peut pas vraiment le nommer. Mais en un sens, ce sont des tentatives pour créer un nouveau genre d’écoles, un nouveau genre de monastères. Et Bjornstrand pense aussi à un concept de « réserves », des îlots où l’on préservera l’Histoire… où l’homme pourra continuer de survivre afin de préserver l’espèce à travers cet âge de ténèbres.
En fait, nous parlons bien de « maquis », qui existait déjà de manière différente au Moyen-Age dans les ordres mystiques de l’Église. Et le but de ce « maquis » et de trouver comment préserver la lumière, la vie, la culture… Comment garder les choses vivantes !
Je continue de penser que nous avons besoin d’un nouveau langage, un langage du cœur, celui de la forêt polonaise, où les mots étaient inutiles, une sorte de langage entre les gens qui sera une sorte de nouvelle poésie. La poésie des « abeilles-danseuses » quand elles se disent où se trouve le miel. Et je crois que pour créer ce langage, il faudra apprendre à regarder à travers le miroir… à travers une nouvelle perception. Ce sera une nouvelle vision, une nouvelle communion… où nous aurons ce sentiment d’être lié avec toute chose.
Et soudain… Nous comprendrons tout ! »